Les Admonitions
Les Admonitions de Saint François
1- Le corps du Seigneur
2- Le péché de volonté propre
3- Obéissance parfaite et obéissance imparfaite
4- Ne pas s’approprier les charges
5- Ne pas s’enorgueillir, mais placer sa fierté dans la croix du Seigneur
6- L’imitation du Seigneur
7- Savoir, mais pour mieux agir
8- Eviter le péché d’envie
9- L’amour des ennemis
10- Réprimer les tendances égoïstes
11- Ne pas se laisser ravager par le péché d’autrui
12- A quoi l’on reconnaît l’Esprit du Seigneur
13- La patience
14- L’esprit de pauvreté
15- La paix de l’âme
16- La pureté du cœur
17- Humilité du serviteur de Dieu
18- Compassion pour le prochain
19- Rendre tout bien au Seigneur
20- Humilité malgré les louanges et les honneurs
21- La vraie et la fausse joie
22- Légèreté et bavardage
23- Acceptation des reproches
24- La vraie humilité
25- L’amour fraternel
26- Honorer les clercs
27- Les vertus chassent les vices
28- Discrétion sur les grâces de Dieu, de peur de les perdre
Les Admonitions de Saint François
1- Le corps du Seigneur.
1 Le Seigneur Jésus dit à ses disciples : Je suis la voie, la vérité et la vie ; on ne va au Père que par moi.
2 Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père ; mais bientôt vous le connaîtrez, et d’ailleurs vous l’avez déjà vu.
3 Philippe lui dit : Seigneur, montre-nous le Père, et cela nous suffit.
4 Jésus lui répondirent : Il y a si longtemps que je suis avec vous, et vous ne me connaissez pas encore ? Philippe, qui me voit, voit aussi mon Père.
5 Le Père habite une lumière inaccessible ; Dieu est esprit ; personne n’a jamais vu Dieu.
6 Puisque Dieu est esprit, on ne peut donc le voir que par l’Esprit, car c’est l’esprit qui fait vivre, la chair ne sert de rien.
7 Il en va de même pour le Fils : en tant qu’il est égal au Père, on ne peut le voir autrement que le Père, autrement que par l’Esprit.
8 Voilà pourquoi furent damnés tous ceux qui autrefois n’ont vu que l’homme dans le Seigneur Jésus-Christ, sans voir ni croire, selon l’Esprit et selon Dieu, qu’il est vraiment le Fils de Dieu.
9 Pareillement sont damnés tous ceux qui aujourd’hui leur ressemblent : ils voient bien, sous forme de pain et de vin, le sacrement du Corps du Christ, consacré sur l’autel par les mains du prêtre au moyen des paroles du Seigneur ; mais ils ne voient ni ne croient, selon l’Esprit et selon Dieu, que ce sont là réellement les très saints Corps et Sang de notre Seigneur Jésus-Christ,
10 au témoignage du Très-Haut lui-même qui affirme : Ceci est mon Corps, et le Sang de la Nouvelle Alliance, qui sera versé pour la multitude, et encore :
11 Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle.
12 L’esprit du Seigneur : il habite en ceux qui croient en lui ; c’est donc lui qui reçoit le Corps et le Sang très saints du Seigneur.
13 Tous les autres, ceux qui n’ont point part à cet Esprit, s’ils ont l’audace de recevoir le Seigneur, mangent et boivent leur propre condamnation.
14 Race charnelle, combien de temps encore aurez-vous le cœur si dur ?
15 Pourquoi ne pas reconnaître la vérité ? Pourquoi ne pas croire au Fils de Dieu ?
16 Voyez : chaque jour il s’abaisse, exactement comme à l’heure où, quittant son palais royal, il s’est incarné dans le sein de la Vierge ;
17 chaque jour c’est lui-même qui vient à nous, et sous les dehors les plus humbles ;
18 chaque jour il descend du sein du Père sur l’autel entre les mains du prêtre.
19 Et de même qu’autrefois il se présentait aux saints apôtres dans une chair bien réelle, de même se montre-t-il à nos yeux maintenant dans du pain sacré.
20 Les apôtres, lorsqu’ils le regardaient de leurs yeux de chair, ne voyaient que sa chair, mais ils le contemplaient avec les yeux de l’esprit, et croyaient qu’il était Dieu.
21 Nous aussi, lorsque, de nos yeux de chair, nous voyons du pain et du vin, sachons voir et croire fermement que c’est là, réels et vivants, le Corps et le Sang très saints du Seigneur.
22 Tel est en effet le moyen qu’il a choisi de rester toujours avec ceux qui croient en lui, comme il l’a dit lui-même : Je suis avec vous jusqu’à la fin du monde.
2- Le péché de volonté propre.
1 Le Seigneur dit à Adam : Tu peux manger des fruits de tous les arbres ; mais ne touche pas à l’arbre de la science et du mal.
2 Adam avait donc le droit de manger des fruits de tous les arbres du Paradis ; tant qu’il resta dans l’obéissance, il fut sans péché.
3 Manger les fruits de l’arbre de la science du bien signifie ; s’approprier sa volonté, s’attribuer orgueilleusement le bien que l’on fait, alors qu’en réalité c’est le Seigneur en nous qui l’accomplit en paroles ou en actes.
4 Mais on préfère écouter les insinuations du démon, on enfreint la défense ; alors le fruit de la science du bien se transforme en fruit de la science du mal,
5 et il faut en subir le châtiment.
3- Obéissance parfaite et obéissance imparfaite.
1 Le Seigneur dit dans l’Evangile : Celui qui n’abandonne pas tout ce qu’il possède ne peut être mon disciple ;
2 et encore : Qui veut sauver son âme doit la perdre.
3 Comment faire pour abandonner tout ce que l’on possède ? Comment perdre son corps et son âme ? En se livrant tout entier à l’obéissance entre les mains de son supérieur.
4 Tout ce que fait et tout ce que dit un sujet est acte d’obéissance véritable à deux conditions : d’une part qu’il s’agisse objectivement d’une bonne action ; d’autre part qu’on soit sûr de ne pas aller contre la volonté du supérieur.
5 Un sujet croit parfois sentir qu’une autre orientation serait meilleure et plus utile pour son âme que celle qui lui est imposée ; qu’il fasse à Dieu le sacrifice de son projet, et qu’il se mette en devoir d’appliquer plutôt celui du supérieur.
6 Voilà de la véritable obéissance, qui est aussi de l’amour ; elle contente à la fois Dieu et le prochain.
7 Mais si le supérieur donnait un ordre contraire au salut de notre âme, il faudrait refuser de lui obéir, sans pour autant, rompre avec lui ou le quitter.
8 Encourrait-on les persécutions de certains à cause de cette attitude, on ne devrait que les en aimer davantage, pour l’amour de Dieu,
9 car celui qui, bien loin de divorcer d’avec ses frères, préfère supporter leur hostilité, celui-là reste dans l’obéissance parfaite ; l’obéissance qui va jusqu’à donner sa vie pour ses frères.
10 Bien des religieux, malheureusement, s’imaginent découvrir qu’il y a mieux à faire que ce qu’ordonnent leurs supérieurs ; ils regardent en arrière et retournent à leur vomissement, c’est à dire à leur volonté propre.
11 Ce sont des homicides, car leurs mauvais exemples sèment la mort dans beaucoup d’âmes.
4- Ne pas s’approprier les charges.
1 Ce n’est pas pour être servi que je suis venu, dit le Seigneur, mais pour servir.
2 Quand on a reçu autorité sur les autres, on ne doit pas plus en tirer gloire que si l’on était affecté à l’emploi de leur laver les pieds.
3 Etre plus désemparé de perdre un supériorat que de perdre l’emploi de laver les pieds, c’est amasser, comme Judas, un trésor frauduleux au péril de son âme ; et plus grand est le trouble, plus est coupable l’avarice.
5- Ne pas s’enorgueillir, mais placer sa fierté dans la croix du Seigneur.
1 Considère, ô homme, le degré de perfection auquel t’a élevé le Seigneur ; il a créé et formé ton corps à l’image du corps de son Fils bien-aimé, et ton esprit à la ressemblance de son esprit.
2 Et malgré cela, toutes les créatures qui sont sous le ciel servent leur créateur mieux que toi, elles le connaissent et lui obéissent mieux que toi, chacune selon sa nature.
3 Bien pis, ce ne sont pas les démons qui l’ont crucifié : c’est toi qui, avec eux, l’as crucifié et le crucifies encore en prenant plaisir au vice et au péché.
4 De quoi peux-tu donc bien te glorifier ?
5 Même si tu avais tant de pénétration et tant de sagesse qu’aucune science n’aurait plus de secret pour toi ; même si tu savais interpréter toutes les langues et scruter les mystères divins avec une subtilité remarquable, de tout cela tu ne peux tirer aucune gloire.
6 Le premier venu des démons a autrefois pénétré bien plus avant dans les mystères de Dieu, et connait encore maintenant l’univers terrestre bien mieux que tous les hommes réunis (y compris celui qui reçut du Seigneur la grâce spéciale de la plus haute sagesse).
7 De même, serais-tu le plus beau et le plus riche des hommes, et ferais-tu même des miracles au point de chasser les démons, tout cela peut se retourner contre toi, tu n’y es pour rien, et il n’y a rien là dont tu puisses tirer gloire.
8 Mais ce dont nous pouvons tirer gloire, c’est de nos faiblesses. C’est de notre part quotidienne à la sainte Croix de notre Seigneur Jésus-Christ.
6- L’imitation du Seigneur.
1 Considérons, frères, le bon Pasteur : pour sauver ses brebis, il a souffert la Passion et la Croix.
2 A sa suite, les brebis du Seigneur ont marché à travers les souffrances, les persécutions, les humiliations, la faim, les maladies, les tentations, et toutes sortes d’épreuves. En retour, elles ont reçu du Seigneur la vie éternelle.
3 Nous devrions avoir honte, nous, les serviteurs de Dieu. Car les saints ont agi : nous, nous racontons ce qu’ils ont fait, dans le but d’en retirer pour nous honneur et gloire.
7- Savoir, mais pour mieux agir.
1 L’Apôtre dit : La lettre tue, mais l’esprit fait vivre.
2 La lettre tue ceux dont la curiosité s’arrête aux mots du texte ; ce qu’ils veulent, c’est paraître plus savants que les autres, et pouvoir acquérir ainsi de grandes richesses dont ils feront profiter leurs parents et amis.
3 La lettre tue les religieux qui ne veulent pas approfondir l’esprit de la sainte Ecriture, mais qui préfèrent s’en tenir uniquement à la connaissance et au commentaire des mots.
4 L’esprit de la sainte Ecriture fait vivre ceux qui n’attribuent pas à leur valeur personnelle la science qu’ils possèdent ou désirent posséder, mais qui, par la parole et par l’exemple, en font hommage au Très haut Seigneur Dieu à qui appartient tout bien.
8- Eviter le péché d’envie.
1 Sans le secours de l’Esprit-Saint, dit l’Apôtre, nul ne peut dire : Jésus est le Seigneur ;
2 sans le secours de l’Esprit-Saint, nul, pas un seul homme, n’est capable de faire le bien.
3 C’est pourquoi celui qui est jaloux d’un de ses frères par l’intermédiaire duquel le Seigneur dit et fait du bien, celui-là commet un véritable blasphème : c’est au Très-Haut lui-même que sa jalousie s’en prend, puisque c’est de Dieu seul que dérivent toute bonne parole et toute bonne action.
9- L’amour des ennemis.
1 Aimez vos ennemis, dit le Seigneur.
2 Aimer vraiment son ennemi, c’est d’abord ne pas s’affliger des torts qu’on a subis soi-même ;
3 c’est ressentir douloureusement, mais comme une offense à l’amour de Dieu, le péché que l’autre a commis ;
4 et c’est prouver à ce dernier, par des actes, qu’on l’aime toujours.
10- Réprimer les tendances égoïstes.
1 A-t-on commis un péché ? C’est la faute au démon ! A-t-on subi une injustice ? C’est la faute au prochain ! Telle est l’attitude de beaucoup de chrétiens.
2 Mais ce n’est pas sur autrui qu’il faut rejeter la faute : l’ennemi, chacun le tient à sa discrétion, l’ennemi c’est-à-dire l’égoïsme qui fait tomber dans le péché.
3 Heureux dès lors le serviteur qui gardera toujours enchaîné cet ennemi livré entre ses mains et saura sagement se prémunir contre lui :
4 tant qu’il agira de la sorte, aucun autre ennemi, visible ou invisible, ne pourra lui nuire.
11- Ne pas se laisser ravager par le péché d’autrui.
1 Un serviteur de Dieu ne doit éprouver de répulsion pour rien, si ce n’est pour le péché.
2 Et même dans ce cas, si grand que soit le péché commis, le serviteur de Dieu peut être atteint dans son amour pour Dieu offensé, mais jamais il ne doit perdre la paix de l’âme ni se mettre en colère : ce faisant, il s’attribuerait injustement un droit qui n’appartient qu’à Dieu : juger d’une faute.
3 Le serviteur de Dieu qui demeure inaccessible à la colère et au trouble dans ses rapports avec autrui, celui-là mène une vie conforme à sa vocation, libre de tout attachement égoïste.
4 Heureux celui qui ne s’arroge rien, qui rend à César ce qu’est à César et à Dieu ce qui est à Dieu.
12- A quoi l’on reconnaît l’Esprit du Seigneur.
1 Voici comment reconnaître qu’un serviteur de Dieu possède l’Esprit du Seigneur :
2 lorsque le Seigneur opère par lui quelque bien, la « chair » du serviteur de Dieu alors, ne s’enorgueillit pas, cette chair toujours opposée à tout bien ;
3 au contraire, il ne s’en méprise que davantage, et se juge plus indigne que tous les autres hommes.
13- La patience.
1 Heureux les pacifiques ; ils seront appelés fils du Dieu. Ce qu’un serviteur de Dieu possède de patience et d’humilité, on ne peut pas le savoir tant que tout va selon ses désirs.
2 Mais vienne le temps où ceux qui devraient respecter ses volontés se mettent au contraire à les contester : ce qu’il manifeste alors de patience et d’humilité, voilà exactement ce qu’il en possède, et rien de plus.
14- L’esprit de pauvreté.
1 Heureux ceux qui ont l’esprit de pauvreté, car le royaume des cieux leur appartient.
2 Il y en a beaucoup qui sont férus de prières et d’offices, et qui infligent à leur corps de fréquentes mortifications et abstinences.
3 Mais pour un mot qui leur semble un affront ou une injustice envers leur cher « moi », ou bien pour tel ou tel objet qu’on leur enlève, les voilà aussitôt qui se scandalisent et perdent la paix de l’âme.
4 Ceux-là n’ont pas le véritable esprit de pauvreté : car celui qui a le véritable esprit de pauvreté se hait lui-même, et chérit ceux qui le frappent sur la joue.
15- La paix de l’âme.
1 Heureux les pacifiques : ils seront appelés fils de Dieu.
2 Sont vraiment pacifiques ceux qui, malgré tout ce qu’ils ont à souffrir en ce monde, pour l’amour de notre Seigneur Jésus-Christ, gardent la paix de l’âme et du corps.
16- La pureté du cœur.
1 Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu.
2 Ont vraiment le cœur pur ceux qui méprisent les biens de la terre, cherchent ceux du ciel et, ainsi purifiés de tout attachement de l’âme et du cœur, ne cessent jamais d’adorer et de voir rien d’autre que le Seigneur Dieu vivant et vrai.
17- Humilité du serviteur de Dieu.
1 Heureux le serviteur qui ne se glorifie pas plus du bien que le Seigneur dit et opère par lui, que du bien que le Seigneur dit et opère par un autre.
2 On pèche quand on veut recevoir du prochain plus qu’on ne veut donner de soi au Seigneur Dieu.
18- Compassion pour le prochain.
1 Heureux l’homme qui, dans les limites de sa propre faiblesse, soutient son prochain autant qu’il voudrait être soutenu par lui dans un cas analogue.
19- Rendre tout bien au Seigneur.
1 Heureux le serviteur qui fait hommage de tout bien au Seigneur. Celui au contraire qui en revendique une part pour lui-même, celui-là cache au fond de lui-même l’argent du Seigneur Dieu, et ce qu’il croyait posséder en propre lui sera enlevé.
20- Humilité malgré les louanges et les honneurs.
1 Heureux le serviteur qui, lorsqu’on le félicite et qu’on l’honore, ne se tient pas pour meilleur que lorsqu’on le traite en homme de rien, simple et méprisable.
2 Car tant vaut l’homme devant Dieu, tant vaut-il en réalité, sans plus.
3 Malheur au religieux qui, appelé par ses frères à de hautes fonctions, refuse ensuite d’en descendre de son plein gré.
4 Heureux le serviteur qui, appelé malgré lui à de hautes fonctions, n’a d’autre ambition que de servir les autres et de s’abaisser sous leurs pieds.
21- La vraie et la fausse joie.
1 Heureux le religieux qui ne prend plaisir et joie que dans tout ce que le Seigneur a fait,
2 et qui s’en sert pour porter les hommes à l’amour de Dieu en tout joie.
3 Malheur au religieux qui se plaît aux histoires légères et frivoles, et qui s’en sert uniquement pour provoquer l’hilarité.
22- Légèreté et bavardage.
1 Heureux le serviteur qui ne parle pas pour se faire valoir, qui ne fait pas étalage de sa valeur et qui n’est pas toujours avide de prendre la parole, mais qui s’exprime et répond avec sagesse et réflexion.
2 Malheur au religieux qui, au lieu de garder en son cœur les grâces dont le Seigneur le favorise, et au lieu d’en faire profiter les autres par ses actions, s’empresse en discours de les étaler aux yeux des hommes pour se faire valoir.
3 Il en obtient la mesquine récompense qu’il convoitait, mais ceux qui l’écoutent n’en retirent que peu de fruit.
23- Acceptation des reproches.
1 Heureux le serviteur qui supporte avec autant de patience que s’il se les infligeait lui-même, les avertissements, accusations et réprimandes infligés par autrui.
2 Heureux le serviteur qui, lorsqu’il est repris, reconnaît facilement ses torts, cède volontiers, avoue humblement et répare de bon cœur.
3 Heureux le serviteur qui n’est pas prompt à s’excuser, et qui supporte humblement la honte d’être réprimandé pour une faute qu’il n’a pas commise.
24- La vraie humilité.
1 Heureux celui que l’on trouve aussi humble au milieu de ses sujets que s’il était au milieu de ses supérieurs.
2 Heureux le serviteur qui reste toujours disposé à accueillir remarques et punitions.
3 Fidèle et prudent serviteur, celui qui, chaque fois qu’il en a offensé un autre, ne tarde pas à expier cet écart, intérieurement par le regret, extérieurement par l’aveu de sa faute et par des actes concrets de réparation.
25- L’amour fraternel.
1 Heureux celui qui aimerait autant un frère malade et incapable de lui rendre service, qu’un frère bien portant qui peut lui être utile.
2 Heureux celui qui aimerait et respecterait autant son frère quand il est loin de lui que lorsqu’il est avec lui, et qui ne dirait pas derrière son frère ce qu’en toute charité il ne pourrait pas dire devant lui.
26- Honorer les clercs.
1 Heureux le serviteur qui donne sa foi aux clercs qui vivent en accord avec l’enseignement et les institutions de la sainte Eglise romaine.
2 Et malheur à ceux qui les méprisent : nul n’a le droit de juger les clercs, même pécheurs ; c’est le Seigneur qui se réserve de les juger lui-même et lui seul.
3 En effet, ils sont ministres des très saints Corps et Sang de notre Seigneur Jésus-Christ ; c’est pourquoi, autant leur ministère surpasse les autres ministères,
4 autant une faute contre eux surpasse en gravité une faute contre n’importe quel autre fidèle de ce monde.
27- Les vertus chassent les vices.
1 Où règnent charité et sagesse,
il n’y a ni crainte ni ignorance.
2 Où règnent patience et humilité,
il n’y a ni colère ni trouble
3 Où règnent pauvreté et joie,
il n’y a ni cupidité ni avarice.
4 Où règnent paix intérieure et méditation,
il n’y a ni désir de changement ni dissipation.
5 Où règne crainte du Seigneur pour garder la maison,
l’ennemi ne peut pratiquer nulle brèche pour y pénétrer.
6 Où règnent miséricorde et discernement,
il n’y a ni luxe superflu ni dureté du cœur.
28- Discrétion sur les grâces de Dieu, de peur de les perdre.
1 Heureux le serviteur qui amasse, mais dans le ciel, le trésor de grâces que le Seigneur lui offre et qui ne cherche pas, pour se faire valoir, à les manifester aux hommes ;
2 car c’est le Très-Haut lui-même, qui manifestera ses propres œuvres à qui il lui plaira.
3 Heureux le serviteur qui conserve en son cœur les secrets du Seigneur.
Première Règle des Frères Mineurs (Regula non bullata)
Première Règle des Frères Mineurs (1221)
Prologue
1. Pauvreté, obéissance et chasteté
2. L’admission des frères, leur habit
3. L’office divin et le jeûne
4. Les relations entre les ministres et les autres frères
5. La correction des frères qui ont péché
6. Le recours aux ministres. Aucun frère n’aura le titre de prieur
7. La manière de servir et de travailler
8. Défense aux frères de recevoir de l’argent
9. La quête en nature
10. Les frères malades
11. Ni dispute ni diffamation : l’amour fraternel
12. Eviter les mauvais regards et la fréquentation des femmes
13. Le châtiment des fornicateurs
14. La manière de voyager
15. Défense d’entretenir des animaux et d’aller à cheval
16. Ceux qui vont chez les Sarrasins et autres infidèles
17. Les prédicateurs
18. Les assemblées de ministres
19. Les frères doivent vivre en catholiques
20. La confession et la communion des frères
21. Louange et exhortation que peuvent faire tous les frères
22. Admonition aux frères
23. Prière et action de grâces
24. Conclusion
Première Règle des Frères Mineurs (1221)
Prologue.
1 Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen.
2 Voici la vie de l’Evangile de Jésus-Christ que le frère François demanda au seigneur Pape d’autoriser et d’approuver ; et le Pape lui accorda cette autorisation et approbation pour lui et pour ses frères présents et futurs.
3 Le frère François promet – et quiconque sera placé à la tête de cet ordre promettra – obéissance et respect au seigneur Pape Innocent et à ses successeurs.
4 Et tous les autres frères seront tenus d’obéir au frère François et à ses successeurs.
1. Pauvreté, obéissance et chasteté.
1 La règle de vie des frères est la suivante : vivre dans l’obéissance, dans la chasteté et sans aucun bien qui leur appartienne ; et suivre la doctrine et les traces de notre Seigneur Jésus-Christ qui a dit :
2 Si tu veux être parfait, va et vends tout ce que tu as et donnes-en le prix aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel ; puis viens et suis-moi.
3 Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il se renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et me suive.
4 Si quelqu’un veut venir à moi, et qu’il ne hait pas son père et sa mère, son épouse, ses fils, ses frères et sœurs et jusqu’à sa propre vie, il ne peut être mon disciple.
5 Qui aura quitté père et mère, frères et sœurs, épouse et fils, maisons et champs à cause de moi, celui-là recevra le centuple et possédera la vie éternelle.
2. L’admission des frères, leur habit.
1 Si quelqu’un, sous l’inspiration de Dieu, veut mener cette vie et vient à nos frères, que ceux-ci le reçoivent avec bonté.
2 S’il persévère dans son désir de partager notre vie, les frères se garderont bien de se mêler de ses affaires temporelles ; mais ils le présenteront le plus tôt possible à leur ministre.
3 Le ministre l’accueillera avec bonté, l’encouragera et lui exposera avec soin en quoi consiste notre vie.
4 Cela fait, le postulant, s’il se décide pour des motifs spirituels et s’il peut le faire sans aucun empêchement, ira vendre tous ses biens et s’empressera d’en distribuer aux pauvres le produit.
5 Les frères et leur ministre se garderont bien de se mêler aucunement de ses affaires,
6 et de recevoir à cette occasion aucun argent, ni directement ni par personne interposée ;
7 si cependant ils étaient dans le besoin, ils pourraient recevoir non de l’argent mais d’autres choses nécessaires à la vie du corps ; cela, par nécessité et comme le feraient d’autres pauvres.
8 Quand le postulant reviendra, le ministre lui accordera l’habit de novice pour un an : deux tuniques sans capuce, une corde, des braies et un chaperon jusqu’à la ceinture.
9 Au bout de l’année fixée pour le noviciat, il sera admis à l’obéissance,
10 et dès lors il ne lui sera plus permis de passer à un autre ordre ni de s’évader de l’obéissance, ainsi que l’a prescrit le seigneur Pape, car, selon l’Evangile, celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas apte au royaume de Dieu.
11 S’il se présente quelqu’un qui, en raison de quelque empêchement, ne peut donner ses biens aux pauvres, et qui cependant, pour des motifs spirituels, veut mener notre vie, il lui suffira de quitter ce qu’il a.
12 Que nul ne soit admis au mépris des lois et institutions de la sainte Eglise.
13 Les frères qui ont promis obéissance auront une tunique avec capuce, une autre sans capuce si c’est nécessaire, une corde et des braies.
14 Tous les frères porteront des habits grossiers ; ils pourront les doubler de grosse toile et d’autres morceaux de tissu, avec la bénédiction de Dieu ; car le Seigneur dit dans l’Evangile : Ceux qui portent des vêtements précieux et vivent dans le luxe, ceux qui se revêtent d’habits recherchés, ceux-là sont dans les maisons des rois.
15 Même si on les traite d’hypocrites, qu’ils ne cessent pas pour autant de bien agir ; qu’ils ne recherchent pas les habits précieux de ce monde, afin d’obtenir le vêtement du royaume des cieux.
3. L’office divin et le jeûne.
1 Le Seigneur dit : Ce genre de démons ne se chasse que par le jeûne et la prière ;
2 et encore : Quand vous jeûnerez, ne vous donnez pas un air triste, comme font les hypocrites.
3 C’est pourquoi tous les frères, clercs et laïcs, célébreront l’office divin, les louanges et les prières, chacun selon ce qui lui est prescrit :
4 Les clercs se conformeront aux coutumes des autres clercs concernant la célébration de l’office et la prière pour les vivants et pour les morts ;
5 de plus, en réparation des manquements et négligences des frères, ils diront chaque jour le psaume Miserere et le Pater ;
6 pour les frères défunts, ils diront le psaume De Profundis et le Pater.
7 Ils pourront posséder les livres nécessaires à la célébration de l’office, mais pas davantage ;
8 les laïcs qui savent lire le psautier pourront en avoir un eux aussi ;
9 ceux qui ne savent pas lire ne pourront avoir aucun livre.
10 Les laïcs diront le Credo et vingt-quatre Pater avec Gloria Patri pour Matines ; cinq pour Laudes ; pour Prime, le Credo et sept Pater avec Gloria Patri ; pour Tierce, Sexte et None, sept Pater chaque fois ; douze pour Vêpres ; pour les Complies, le Credo et sept Pater avec Gloria Patri ; pour les défunts, sept Pater avec Requiem aeternam ; pour les manquements et négligences des frères, trois Pater chaque jour.
11 Tous les frères jeûneront aussi de la Toussaint à Noël ; et de l’Epiphanie, début du carême de notre Seigneur Jésus-Christ, jusqu’à Pâques.
12 Le reste de l’année, ils ne seront tenus au jeûne, selon notre règle, que le vendredi.
13 Et, selon l’Evangile, qu’il leur soit permis de manger de tout ce qu’on leur présente.
4. Les relations entre les ministres et les autres frères.
1 Au nom du Seigneur.
2 Tous les frères désignés comme ministres et serviteurs des autres frères placeront leurs frères dans les provinces et les résidences de leur juridiction ; ils les visiteront souvent, leur donneront des avis spirituels et stimuleront leur générosité.
3 Et tous mes autres frères bénis leur obéiront avec empressement en tout ce qui concerne le salut de leur âme et n’est pas contraire à notre règle de vie.
4 Qu’ils se conduisent entre eux comme dit le Seigneur : Ce que vous voulez qu’on vous fasse, faites-le aux autres ;
5 et : Ce que tu ne veux pas qu’on te fasse, ne le fais pas à autrui.
6 Les ministres et serviteurs se rappelleront que le Seigneur dit : Je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir ; ils se rappelleront que l’âme de leurs frères leur a été confiée ; si l’un d’eux se perd par leur faute et par leur mauvais exemple, ils auront à en rendre compte au jour du jugement devant le Seigneur Jésus-Christ.
5. La correction des frères qui ont péché.
1 Soyez donc les gardiens vigilants de votre âme et de celle de vos frères, car c’est chose effroyable de tomber entre les mains du Dieu vivant.
2 Si un ministre donnait à un frère un ordre contraire à notre règle de vie ou à sa conscience, le frère ne devrait pas obéir, car il ne peut être question d’obéissance là où il y a faute et péché.
3 Cependant, tous les frères qui sont sujets seront attentifs, discrètement et soigneusement, à la conduite des ministres et serviteurs ;
4 s’ils constatent que l’un d’eux, contrairement à notre règle de vie, se comporte en esclave de la chair et non dans la docilité à l’Esprit, et si après trois observations il ne s’est pas amendé, ils le dénonceront, lors du chapitre de la Pentecôte, au ministre et serviteur de toute la Fraternité, sans se laisser influencer par aucune pression.
5 Quant aux autres frères, où qu’ils soient, si l’un d’eux veut se conduire en esclave de la chair et non dans la docilité à l’Esprit, ses compagnons lui feront des remarques, lui donneront des conseils, et le reprendront avec humilité mais fermement.
6 Si, après trois observations, il ne veut pas s’amender, on l’enverra au plus tôt, ou on le dénoncera, à son ministre et serviteur qui fera de lui ce que, selon Dieu, il jugera le plus à propos.
7 Tous les frères, les ministres et serviteurs comme les autres, auront soin de ne jamais se troubler ni s’irriter à cause du péché ou du mauvais exemple d’autrui ; car le démon, par le péché d’un seul, cherche à en ravager beaucoup.
8 Que de leur mieux, au contraire, les frères viennent en aide spirituellement au coupable, car ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin du médecin, mais les malades.
9 Sur aucun homme, mais surtout sur aucun autre frère, nul frère ne se prévaudra jamais d’aucun pouvoir de domination.
10 Comme dit le Seigneur dans l’Evangile, les princes des nations leur commandent, et les grands des peuples exercent le pouvoir ; mais il n’en sera pas de même parmi les frères ;
11 qui voudra être le plus grand parmi eux sera leur ministre et serviteur,
12 et le plus grand parmi eux sera comme le plus petit.
13 Aucun frère ne doit dire ni faire aucun mal à un autre ;
14 au contraire, par esprit d’amour, qu’ils se rendent volontiers service et s’obéissent mutuellement ;
15 telle est la vraie et sainte obéissance de notre Seigneur Jésus-Christ.
16 Tous les frères, chaque fois que, selon le mot du prophète, ils s’écarteront des commandements du Seigneur et s’évaderont de l’obéissance, qu’ils sachent que, hors de l’obéissance, ils sont maudits tant qu’ils persistent sciemment dans ce péché.
17 Mais tant qu’ils persévèrent dans les commandements du Seigneur, comme ils l’ont promis, par l’observance du saint Evangile et de leur règle de vie, qu’ils sachent qu’ils se maintiennent ainsi dans une véritable obéissance, et qu’ils soient bénis du Seigneur.
6. Le recours aux ministres. Aucun frère n’aura le titre de prieur.
1 Si dans une résidence, où qu’elle soit, les frères se trouvent dans l’impossibilité de mener notre vie, ils recourront le plus tôt possible à leur ministre et lui exposeront leur cas.
2 Le ministre alors cherchera une solution pour leur venir en aide, comme il voudrait qu’on fit pour lui en pareille circonstance.
3 On ne donnera à aucun frère le titre de prieur, mais à tous indistinctement celui de frères mineurs.
4 Ils se laveront les pieds les uns aux autres.
7. La manière de servir et de travailler.
1 Que nul des frères, placé ici ou là pour un service ou un travail chez autrui, ne soit jamais trésorier, chancelier ni intendant dans la maison où il sert ; il n’acceptera aucune charge qui pourrait causer du scandale aux autres ou porter préjudice à son âme ;
2 mais il se fera petit et soumis à tous ceux qui habitent la même maison.
3 Les frères qui savent travailler, travailleront, et exerceront le métier qu’ils connaissent, si ce n’est pas contraire au salut de leur âme et s’ils peuvent s’y adonner honnêtement.
4 Car, dit le prophète, quand tu mangeras le travail de tes mains, tu seras heureux et ce sera un bonheur pour toi.
5 Et l’Apôtre : Que celui qui ne veut pas travailler ne mange pas.
6 Et : Que chacun reste dans la profession ou le métier où il se trouvait quand il a été appelé.
7 En échange de leur travail, ils pourront recevoir tout ce qui leur est nécessaire, mais pas d’argent.
8 Si besoin est, ils iront à la quête comme les autres pauvres.
9 Ils pourront avoir les outils et instruments nécessaires à leur métier.
10 Tous les frères s’appliqueront avec ardeur à un bon travail, car il est écrit : Sois toujours en train de faire quelque chose de bon, pour que le diable te trouve occupé.
11 Et encore : L’oisiveté est ennemie de l’âme.
12 Voilà pourquoi les serviteurs de Dieu doivent toujours se livrer à la prière ou à quelque bonne activité.
13 Les frères, où qu’ils soient, en ermitage ou en quelque autre résidence, auront soin de ne s’approprier aucun emplacement, et de n’entrer en contestation avec qui que ce soit pour le revendiquer.
14 Quiconque vient à eux, ami ou ennemi, voleur ou brigand, doit être bien reçu.
15 Les frères, en quelque pays qu’ils soient, en quelque résidence qu’ils se rencontrent, doivent non pas se chercher noise les uns aux autres, mais se témoigner un respect et une estime spirituels et empressés.
16 Qu »ils aient bien soin de ne pas affecter un air sombre, une tristesse hypocrite ; mais qu’ils se montrent joyeux dans le Seigneur, gais, aimables, et gracieux comme il convient.
8. Défense aux frères de recevoir de l’argent.
1 Le Seigneur ordonne dans l’Evangile : Gardez-vous soigneusement de tout attachement mauvais ;
2 évitez soigneusement les préoccupations de ce monde et les soucis matériels.
3 Aussi nul des frères, qu’il demeure dans une résidence ou qu’il soit en voyage, ne doit en aucune manière accepter lui-même ou faire recueillir pour son compte ni pièces d’or ni menue monnaie, et cela ni pour acheter des vêtements ou des livres, ni en guise de salaire pour aucun travail, ni sous aucun prétexte, sauf cas de nécessité évidente pour les frères malades; car l’or et la monnaie, nous ne devons pas les considérer comme plus utiles ou plus précieux que les cailloux.
4 Le diable s’emploie à aveugler ceux qui convoitent l’argent ou qui lui accordent plus de valeur qu’a des cailloux.
5 Nous qui avons tout quitté, n’allons donc pas perdre pour si peu le royaume des cieux.
6 S’il nous arrive de trouver quelque part des pièces de monnaie, n’y faisons pas plus attention qu’à la poussière que nous foulons aux pieds : car cela est vanité des vanités, et tout est vanité.
7 S’il arrive – ce qu’à Dieu ne plaise ! – qu’un frère amasse ou conserve de l’argent, excepté seulement, comme nous l’avons dit, pour les besoins des malades, tous les autres doivent le tenir pour un faux-frère, un apostat, un voleur, un larron, avare et traître comme Judas, à moins qu’il ne se repente vraiment.
8 En aucune manière les frères ne doivent recevoir ou faire recevoir, quêter ou faire quêter de la monnaie au lieu d’aumônes en nature ; ils ne doivent pas ramasser de l’argent pour la construction de maisons ou résidences ; ils n’accompagneront pas non plus des personnes qui quêtent ainsi de l’argent ou de la monnaie.
9 Tout autre service qui n’est pas en contradiction avec notre règle de vie, les frères peuvent s’y adonner, avec la bénédiction de Dieu.
10 Toutefois, en cas de nécessité évidente, les frères peuvent demander l’aumône pour les lépreux.
11 Qu’ils restent néanmoins toujours sur leurs gardes au sujet de l’argent !
12 Que tous les frères évitent aussi ces tournées de quêtes à travers les provinces, qui n’ont pour but que de rapporter un gain honteux !
9. La quête en nature.
1 Tous les frères s’appliqueront à suivre l’humilité et la pauvreté de notre Seigneur Jésus-Christ. Ils se rappelleront que, de tous les biens de ce monde, nous ne devons garder rien d’autre que ce qu’indique l’Apôtre : Si nous avons de quoi manger et nous vêtir, nous devons nous en contenter.
2 Ils doivent se réjouir quand ils se trouvent parmi des gens de basse condition et méprisés, des pauvres et des infirmes, des malades et des lépreux, et des mendiants des rues.
3 Lorsqu’il le faudra, ils iront quêter en nature.
4 Qu’ils n’aient point honte ; qu’ils se rappellent plutôt que notre Seigneur Jésus-Christ, le Fils du Dieu vivant tout puissant, a rendu son visage dur comme pierre, sans rougir ;
5 qu’il fut pauvre et sans abri, qu’il a vécu d’aumônes, lui, et la bienheureuse Vierge, et ses disciples.
6 Quand on leur ferait honte et qu’on leur refuserait l’aumône, ils devraient en rendre grâces à Dieu ; car de ces affronts, ils recevront grand honneur devant le tribunal de notre Seigneur Jésus-Christ.
7 Qu’ils le sachent bien : l’affront fait tort non à ceux qui le souffrent, mais à ceux qui l’infligent.
8 L’aumône est l’héritage et le droit des pauvres : notre Seigneur Jésus-Christ nous les a acquis.
9 Les frères qui auront travaillé pour obtenir en échange ces aumônes recevront eux-mêmes une grande récompense, mais ils font aussi gagner et acquérir une grande récompense à ceux qui leur donnent ; car tout ce que les hommes doivent abandonner en quittant le monde disparaît à jamais ; mais, de la charité et des aumônes qu’ils auront faites, ils recevront du Seigneur la récompense.
10 En toute confiance, que chacun s’ouvre à son frère de ses besoins, pour qu’on lui obtienne et qu’on lui procure ce dont il a besoin.
11 Que chacun, selon les moyens dont Dieu lui fera la grâce, aime et nourrisse son frère, comme une mère aime et nourrit son fils.
12 Que celui qui mange ne méprise pas celui qui ne mange pas ; que celui qui ne mange pas ne juge pas celui qui mange.
13 En cas de nécessité, tous les frères, où qu’ils soient, pourront faire usage de tout ce qui peut se manger, ainsi que le Seigneur l’a affirmé à propos de David qui mangea les pains de proposition ; or, seuls les prêtres avaient le droit de les manger.
14 Les frères se rappelleront que le Seigneur dit : Prenez garde que vos cœurs ne se chargent de mangeaille, d’ivresse, ni des soucis de cette vie, de peur que le jour du Jugement ne vienne vous surprendre,
15 car il tombera comme un filet sur tous ceux qui habitent la face de la terre.
16 De même, en cas de nécessité évidente, tous les frères utiliseront comme le Seigneur leur en fera la grâce tout ce dont ils auront besoin ; car nécessité ne connait pas de loi.
10. Les frères malades.
1 Si un frère, où qu’il soit, tombe malade, les autres frères ne le quitteront pas avant d’avoir désigné un frère – ou plusieurs s’il le faut – pour le servir comme ils voudraient eux-mêmes être servis.
2 Mais en cas de très grande nécessité, ils pourront confier le malade à une personne qui sera chargée de le soigner dans sa maladie.
3 Quant au frère malade, je le prie de rendre grâces au Créateur de tout ce qui lui arrive ; tel le Seigneur le veut, tel il doit se vouloir : bien portant ou malade ; car tous ceux que Dieu a prédestinés à la vie éternelle, il les y prépare par l’aiguillon de la souffrance et de la maladie et par l’esprit de pénitence, ainsi que dit le Seigneur : Ceux que j’aime, je les corrige et je les châtie.
4 Si un frère malade se trouble ou s’irrite soit contre Dieu soit contre ses frères, ou s’il exige ses remèdes avec impatience, dans un désir excessif de sauver une chair qui pourtant mourra bientôt et qui est ennemie de l’âme, cela lui est inspiré par l’esprit mauvais ; c’est un homme charnel, il ne se conduit pas comme un de nos frères, puisqu’il aime le corps plus que l’âme.
11. Ni dispute ni diffamation : l’amour fraternel.
1 Tous les frères auront soin de ne calomnier personne, d’éviter les paroles de dispute.
2 Qu’ils essaient plutôt de garder le silence autant que Dieu leur en donnera la grâce.
3 Ils ne se disputeront point entre eux ni avec d’autres, mais ils s’efforceront de répondre humblement : nous ne sommes que des serviteurs inutiles.
4 Ils ne s’irriteront point : car celui qui se met en colère contre son frère sera passible du jugement ; celui qui dit : Raca ! Sera passible du Tribunal ; celui qui dira : Fou ! Sera passible de la géhenne du feu.
5 Ils s’aimeront les uns les autres, conformément à la parole du Seigneur : Mon commandement est que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés.
6 Par des actes ils témoigneront de l’amour mutuel qu’ils doivent se porter, conformément à la parole de l’Apôtre : N’aimons point de parole et de bouche, mais véritablement et par des actes.
7 Ils n’outrageront personne ;
8 ils ne diffameront, ils ne dénigreront personne ; car il est écrit : Le Seigneur hait les rapporteurs et les médisants.
9 Ils seront modestes, animés de la plus grande douceur envers tous les hommes.
10 Ils ne doivent ni juger ni condamner ;
11 comme dit le Seigneur, ils n’examineront pas les moindres péchés des autres,
12 mais ils repasseront leurs propres péchés dans l’amertume de leur cœur.
13 Ils s’efforceront d’entrer par la porte étroite, car, dit le Seigneur, étroite est la porte, et resserrée la route qui conduit à la vie, et il en est peu qui la trouvent.
12. Eviter les mauvais regards et la fréquentation des femmes.
1 tous les frères, où qu’ils soient, où qu’ils aillent, se garderont bien des mauvais regards et de la fréquentation des femmes.
2 Nul ne doit s’entretenir ni voyager seul avec elles, ni manger au même plat.
3 Que les prêtres, en confession ou en direction spirituelle, leur tiennent des discours honnêtes.
4 En aucun cas on n’admettra qu’une femme promette obéissance à un frère ; elle peut recevoir de lui une direction spirituelle, mais ensuite qu’elle aille faire pénitence où elle veut.
5 Veillons tous beaucoup sur nous, gardons purs tous nos sens, car le Seigneur dit : Qui regarde une femme pour la désirer a déjà commis l’adultère en son cœur.
6 Et l’Apôtre : Ignorez-vous que votre corps est le temple de l’Esprit-Saint ? Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira.
13. Le châtiment des fornicateurs.
1 S’il arrivait qu’un des frères, à l’instigation du diable, se rendait coupable de fornication, on devrait lui enlever l’habit de l’Ordre ; il n’y a plus droit, après sa honteuse iniquité : il en sera donc totalement privé et sera définitivement chassé de notre Ordre.
2 Ensuite, il devra faire pénitence de ses péchés.
14. La manière de voyager.
1 Lorsque les frères vont par le monde, qu’ils n’emportent rien en voyage : ni sac, ni besace, ni pain, ni argent, ni bâton.
2 En quelque maison qu’ils entrent, qu’ils disent d’abord : Paix à cette maison !
3 Qu’ils y demeurent, qu’ils y mangent et boivent ce qu’on leur présentera.
4 Qu’ils ne résistent pas au méchant, mais si on les frappe sur une joue, qu’ils tendent l’autre ;
5 si on leur enlève leur vêtement, qu’ils ne refusent pas leur tunique.
6 Qu’ils donnent à quiconque leur demande, et qu’ils ne réclament pas ce qu’on leur aura volé.
15. Défense d’entretenir des animaux et d’aller à cheval.
1 J’enjoins à tous mes frères, tant clercs que laïcs, en voyage à travers le monde ou fixes dans leurs résidences, de ne posséder aucune bête, ni chez eux ni chez autrui.
2 Il leur est interdit d’aller à cheval, à moins d’y être contraints par l’infirmité ou par une grande nécessité.
16. Ceux qui vont chez les Sarrasins et autres infidèles.
1 Le Seigneur dit : Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups;
2 soyez donc prudents comme les serpents et simples comme les colombes.
3 Tout frère donc qui, sous l’inspiration de Dieu, voudra partir chez les Sarrasins et autres infidèles, pourra y aller, avec l’autorisation de son ministre et serviteur.
4 Le ministre, lui, doit donner cette autorisation sans s’y opposer, s’il le reconnaît capable de cette mission ; il devra rendre compte au Seigneur si, en cette affaire ou en d’autres, il agit sans discernement.
5 Les frères qui s’en vont ainsi peuvent envisager leur rôle spirituel de deux manières ;
6 ou bien, ne faire ni procès ni disputes, être soumis à toute créature humaine à cause de Dieu, et confesser simplement qu’ils sont chrétiens ;
7 ou bien, s’ils voient que telle est la volonté de Dieu, annoncer la Parole de Dieu, afin que les païens croient au Dieu tout puissant, Père, Fils et Saint-Esprit, Créateur de toutes choses, et en son Fils Rédempteur et Sauveur, se fassent baptiser et deviennent chrétiens ; car si on ne renaît pas de l’eau et de l’Esprit-Saint, on ne peut entrer au royaume de Dieu.
8 Cette doctrine, et aussi toute autre qui soit agréable au Seigneur, ils peuvent la prêcher aux infidèles et aux autres hommes, car le Seigneur dit dans l’Evangile : Qui me reconnaîtra devant les hommes, je le reconnaîtrai moi aussi devant mon Père qui est dans les cieux ;
9 qui rougira de moi et de mes paroles, le Fils de l’homme rougira de lui quand il viendra dans sa majesté, dans la gloire de son Père et des saints Anges.
10 Tous les frères, où qu’ils soient, se rappelleront qu’ils ont livré leur corps à notre Seigneur Jésus-Christ,
11 et que, pour son amour, ils doivent affronter les ennemis tant visibles qu’invisibles, car le Seigneur dit : Qui perd son âme à cause de moi la sauvera pour la vie éternelle.
12 Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, car le royaume des cieux leur appartient.
13 S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi.
14 Mais si on vous persécute dans une ville, fuyez dans une autre.
15 Bienheureux êtes-vous quand on vous hait, lorsqu’on vous maudit, qu’on proscrit votre nom comme infâme, qu’on dit toute sorte de mal, en mentant, contre vous à cause de moi ;
16 réjouissez-vous en ce jour et soyez heureux, car votre récompense est grande dans les cieux.
17 Je vous dis, à vous mes amis, de ne pas vous effrayer de tout cela,
18 de ne pas craindre ceux qui tuent le corps et ne peuvent faire plus.
19 Ne vous troublez donc pas,
20 car c’est par votre patience que vous sauverez votre âme.
21 Celui qui persévérera jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé.
17. Les prédicateurs.
1 Aucun frère ne prêchera contrairement à la tradition et aux institutions de la sainte Eglise romaine, ni sans en avoir obtenu l’autorisation de son ministre.
2 Le ministre, lui, prendra bien garde d’accorder cette autorisation sans discernement.
3 Cela n’exclut pas que tous les frères doivent prêcher par leurs actes.
4 Aucun ministre, aucun prédicateur ne revendiquera comme un bien propre, soit sa charge de ministre des frères, soit l’office de prédicateur ; mais, à l’heure même où on le lui enjoindrait, il devrait abandonner sa charge sans contester.
5 Je supplie donc, dans l’amour qu’est Dieu, tous mes frères : ceux qui prêchent, ceux qui prient, ceux qui travaillent manuellement, clercs et laïcs, de s’appliquer à l’humilité en tout,
6 de ne pas se glorifier, se réjouir, s’enorgueillir intérieurement des bonnes paroles et bonnes actions, ni même d’aucun bien que Dieu dit, fait ou accomplit parfois en eux et par eux. Selon la parole du Seigneur, ne vous réjouissez pas de ce que les esprits mauvais vous sont soumis.
7 Soyons-en fermement convaincus ; nous n’avons à nous que les vices et les péchés.
8 C’est plutôt lorsque nous sommes soumis à diverses épreuves que nous devons nous réjouir, lorsque nous avons à supporter, dans notre âme et dans notre corps, toutes sortes d’angoisses et de tribulations en ce monde pour la vie éternelle.
9 Frères, gardons-nous donc de tout orgueil et de toute vaine gloire.
10 Gardons-nous de la sagesse de ce monde et de la prudence égoïste.
11 Car celui qui est esclave de ses tendances égoïstes met beaucoup de volonté et d’application à tenir des discours, mais beaucoup moins à passer aux actes ;
12 au lieu de rechercher la religion et la sainteté intérieures de l’esprit, il veut et il désire une religion et une sainteté extérieures bien visibles aux yeux des hommes.
13 C’est d’eux que le Seigneur dit : Je vous le dis en vérité, ils ont reçu leur récompense.
14 Celui, au contraire, qui est docile à l’esprit du Seigneur veut mortifier et humilier cette chair égoïste, vile et abjecte ;
15 il s’applique à l’humilité et à la patience, à la pure simplicité et à la paix véritable de l’esprit ;
16 ce qu’il désire toujours et par-dessus tout, c’est la crainte de Dieu, la sagesse de Dieu, et l’amour de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit.
17 Tous les biens, rendons-les au Seigneur Dieu très haut et souverain ; reconnaissons que tous biens lui appartiennent ; rendons-lui grâces pour tout, puisque c’est de lui que procèdent tous les biens.
18 Lui, le Dieu très haut et souverain, le seul vrai Dieu, qu’il obtienne, qu’on lui rende, qu’il reçoive tous honneurs et respects, toutes louanges et bénédictions, toute reconnaissance et toute gloire; car tout bien est à lui qui seul est bon.
19 Et nous, pour notre part, quand nous voyons ou entendons, maudire, bénissons ; faire le mal, faisons le bien, blasphémer, louons le Seigneur, qui est béni pour les siècles des siècles.
18. Les assemblées de ministres.
1 Chaque année, à la Saint-Michel, chaque ministre pourra réunir ses frères où il leur plaira, pour s’entretenir des choses de Dieu.
2 Et à la Pentecôte, tous les ministres se réuniront en chapitre à Sainte-Marie de la Portioncule (ceux des provinces d’outre-mer et d’outre-monts une fois tous les trois ans ; les autres une fois par an) à moins que le ministre et serviteur de toute la Fraternité n’en ait décidé autrement.
19. Les frères doivent vivre en catholiques.
1 Que tous les frères soient catholiques ; qu’ils vivent et qu’ils parlent en catholiques.
2 Si l’un d’eux vient à s’écarter de la foi et de la morale catholique, en parole ou en action, et s’il ne se corrige pas, il sera définitivement expulsé de notre Fraternité.
3 Tous les clercs et tous ceux qui mènent la vie religieuse, nous devons les considérer comme nos seigneurs en ce qui regarde le salut de notre âme et ne s’oppose pas à notre règle ; nous devons vénérer dans le Seigneur leur ordre, leur office et leur ministère.
20. La confession et la communion des frères.
1 Mes frères bénis, clercs et laïcs, confesseront leurs péchés aux prêtres de notre Ordre.
2 En cas d’impossibilité, ils se confesseront à des prêtres étrangers à l’Ordre mais catholiques et de jugement droit. Qu’ils en soient bien convaincus et intimement persuadés : peu importe le prêtre catholique dont ils reçoivent pénitence et absolution, pourvu qu’ils aient soin d’accomplir humblement et fidèlement la pénitence qui leur a été imposée, ils sont certainement absous de leurs péchés.
3 S’ils ne peuvent trouver aucun prêtre, alors ils se confesseront à l’un de leurs frères, ainsi que dit l’apôtre saint Jacques : confessez-vous l’un à l’autre vos péchés.
4 Ils ne doivent cependant pas omettre pour autant de recourir aux prêtres, car c’est aux prêtres seulement que fut accordé le pouvoir de lier et de délier.
5 Ainsi contrits et confessés, ils recevront le Corps et le Sang de notre Seigneur Jésus-Christ avec beaucoup d’humilité et de vénération, se souvenant de ce que dit le Seigneur lui-même : Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ;
6 et : Faites ceci en mémoire de moi.
21. Louange et exhortation que peuvent faire tous les frères.
1 Voici le genre d’exhortation et de louange que tous mes frères, quand il leur plaira, peuvent prononcer devant n’importe quel auditoire, avec la bénédiction de Dieu :
2 Craignez et honorez, louez et bénissez, remerciez et adorez le Seigneur Dieu tout puissant, dans sa Trinité et dans son Unité, Père, Fils et Saint-Esprit, créateur de toutes choses.
3 Faites pénitence, faites de vrais actes de pénitence, car vous mourrez bientôt.
4 Donnez, et il vous sera donné ;
5 pardonnez, et il vous sera pardonné.
6 Si vous ne pardonnez pas aux hommes leurs offenses, Dieu ne vous pardonnera pas vos péchés. Confessez tous vos péchés.
7 Heureux ceux qui meurent convertis, car ils iront au royaume des cieux.
8 Malheur à ceux qui meurent sans s’être convertis, car ils seront fils du diable, dont ils accomplissent les œuvres, et ils iront au feu éternel.
9 Veillez donc et gardez-vous de tout mal, et persévérez jusqu’à la fin dans le bien.
22. Admonition aux frères.
1 Nous, tous les frères, considérons attentivement ce que dit le Seigneur : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent.
2 Notre Seigneur Jésus-Christ, dont nous devons suivre les traces, a donné le nom d’ami à celui qui le trahissait, et il s’est offert de son plein gré à ceux qui allaient le crucifier.
3 Ils sont donc nos amis, tous ceux qui nous infligent injustement tribulations et angoisses, affronts et injures, douleurs et tourments, martyre et mort ;
4 nous devons les aimer beaucoup, car les coups qu’ils nous portent nous vaudront la vie éternelle.
5 Haïssons notre corps, avec ses vices et ses péchés ; notre corps, par un comportement égoïste et sensuel, veut nous enlever l’amour de notre Seigneur Jésus-Christ et la vie éternelle, et se perdre lui-même, avec tout ce qu’il a, dans l’enfer.
6 Car, par notre faute, nous sommes pourriture et misère, opposés au bien mais toujours prompts et volontaires pour le mal :
7 le cœur de l’homme, dit le Seigneur dans l’Evangile, voilà d’où procèdent et sortent pensées mauvaises, adultères, fornications, homicides, vols, avarice, injustice, ruses, impudeurs, regards mauvais, faux témoignages, blasphèmes, orgueil, sottise :
8 tous ces péchés sortent du fond du cœur, et c’est là ce qui souille l’homme.
9 Mais nous, nous avons rompu avec le monde ; nous n’avons plus rien d’autre à faire que de nous appliquer à suivre la volonté du Seigneur et à lui plaire.
10 Prenons bien garde, ne soyons pas cette terre du chemin, ni cette terre caillouteuse ou envahie de ronces, dont le Seigneur parle dans l’Evangile :
11 Le grain est la parole de Dieu.
12 Ce qui tombe le long du chemin et qui est foulé aux pieds représente ceux qui entendent la parole et ne la comprennent pas ;
13 et aussitôt le diable vient s’emparer de ce qui a été semé dans leur cœur ; et il enlève de leur cœur la parole de Dieu pour qu’ils ne puissent croire et être sauvés.
14 Ce qui tombe sur la terre caillouteuse représente ceux qui entendent la parole et la reçoivent aussitôt avec joie ;
15 mais que viennent tribulations et persécution à cause de cette parole, ils succombent aussitôt ; il n’y a pas de racines en eux, ils sont inconstants, ils ne croient que pour un moment, et à l’heure de l’épreuve ils font défection.
16 Ce qui tombe dans les épines représente ceux qui entendent la parole de Dieu ; mais les soucis et les tracas de ce siècle, la séduction trompeuse des richesses et toutes les autres convoitises s’introduisent dans leur cœur, et ils demeurent stériles.
17 Ce qui est semé dans la bonne terre représente ceux qui, dans un cœur noble et généreux, entendent la parole, la comprennent, la gardent, et, par leur fermeté persévérante, portent du fruit.
18 Voilà pourquoi, nous, frères, laissons, comme dit le Seigneur, les morts ensevelir leurs morts.
19 Gardons-nous bien de la malice et de la subtilité de Satan qui veut empêcher l’homme de tenir son esprit et son cœur tournés vers le Seigneur ;
20 il rôde et voudrait bien s’emparer du cœur de l’homme par l’attrait de quelque récompense ou de quelque avantage, étouffer dans la mémoire de l’homme la parole et les préceptes du Seigneur, aveugler le cœur de l’homme par les affaires et les soucis du monde, et finalement s’y établir. Le Seigneur l’a dit :
21 Lorsqu’un esprit impur est sorti d’un homme, il s’en va errant par des lieux secs et arides, à la recherche d’un logis tranquille ;
22 et n’en trouvant pas, il se dit : Je vais retourner dans ma maison, d’où je suis sorti.
23 A son arrivée, il la trouve libre, balayée, soignée.
24 Alors il s’en va prendre sept autres esprits plus méchants que lui ; ils y entrent et s’y installent ; et l’état final ce cet homme devient pire que le premier.
25 Soyons donc tous très vigilants, frères : que l’attrait d’une récompense à obtenir, d’un travail à faire, ou d’un avantage quelconque ne vienne pas pervertir et disputer au Seigneur Dieu notre esprit et notre cœur.
26 Dans la sainte charité qu’est Dieu, je prie tous mes frères, les ministres et les autres, de s’employer du mieux qu’ils pourront à supprimer tout empêchement, à rejeter tout souci et tout tracas, pour servir, aimer, adorer et honorer le Seigneur dans la pureté de leur cœur et de leur esprit, car c’est là ce que lui-même désire par-dessus tout.
27 Faisons-lui donc toujours, en nous, un temple et une demeure : pour lui, le Seigneur Dieu tout puissant, Père, Fils et Saint-Esprit, qui nous dit : Veillez et priez en tout temps, afin que vous soyez jugés dignes d’échapper à tous les maux à venir, et de paraître devant le Fils de l’homme.
28 Et quand vous vous mettrez en prière, dites : Notre Père qui es aux cieux.
29 Adorons-le d’un cœur pur, car il faut prier toujours sans jamais se lasser.
30 Voilà les adorateurs que recherche le Père ;
31 Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent doivent l’adorer en esprit et en vérité.
32 Recourons à lui comme au pasteur et au gardien de nos âmes, puisqu’il nous a dit : je suis le bon pasteur ; je fais paître mes brebis et je donne ma vie pour elles.
33 Vous êtes tous frères.
34 N’appelez personne votre père sur la terre, car vous n’avez qu’un seul père, qui est dans les cieux.
35 Ne vous faites pas appeler maîtres, car vous n’avez qu’un maître, qui est dans les cieux.
36 Si vous demeurez en moi, si mes paroles demeurent en vous, tout ce que vous voudrez vous n’aurez qu’à le demander, et vous l’aurez.
37 Que deux ou trois se trouvent rassemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux.
38 Je suis avec vous jusqu’à la fin du monde.
39 Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie.
40 Je suis la voie, la vérité et la vie.
41 Soyons donc fidèles aux paroles, à la vie, à la doctrine et au saint Evangile de celui qui a daigné prier son Père pour nous et nous révéler son Nom ; de celui qui a dit : Père, glorifie ton Nom, et : Glorifie ton Fils afin que ton Fils te glorifie.
42 Père, j’ai révélé ton Nom aux hommes que tu m’as donnés ; car les paroles que tu m’as données, je les leur ai données ; ils les ont accueillies, ils ont reconnu que je suis sorti de toi, et ils ont cru que tu m’as envoyé.
43 C’est pour eux que je prie ; je ne prie pas pour le monde,
44 mais pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont à toi, et tout ce qui est à moi est à toi.
45 Père saint, garde en ton nom ceux que tu m’as donnés, pour qu’ils soient un comme nous.
46 Je dis ces choses, encore présent dans le monde, pour qu’ils aient en eux la joie.
47 Je leur ai donné ta parole et le monde les a pris en haine, parce qu’ils ne sont pas du monde, de même que moi ne je suis pas du monde.
48 Je ne te prie pas de les retirer du monde, mais de les garder du Mauvais.
49 Sanctifie-les dans la vérité.
50 Ta parole est vérité.
51 Comme tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde.
52 Et je me sanctifie moi-même pour eux, afin qu’ils soient eux aussi sanctifiés dans la vérité.
53 Je ne prie pas pour eux seulement, mais pour ceux-là aussi qui, grâce à leur parole, croiront en moi : que tous soient un, et que le monde sache que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé.
54 Et je leur ferai connaître ton Nom pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et moi en eux.
55 Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis ils soient aussi avec moi, pour qu’ils contemplent ta gloire dans ton royaume. Amen.
23. Prière et action de grâces.
1 Tout puissant, très saint, très haut et souverain Dieu,
Père saint et juste, Seigneur, roi du ciel et de la terre,
nous te rendons grâces à cause de toi-même,
parce que, par ta sainte volonté,
et par ton Fils unique avec le Saint-Esprit,
tu as créé toutes choses, spirituelles et corporelles;
tu nous as faits à ton image et ressemblance,
tu nous as placés dans le paradis;
2 et nous, par notre faute, nous sommes tombés.
3 Nous te rendons grâces parce que,
de même que tu nous as créés par ton Fils,
de même, par le saint amour dont tu nous as aimés,
tu as fait naître ton Fils, vrai Dieu et vrai homme,
de la glorieuse Vierge sainte Marie,
et, par sa croix, son sang et sa mort,
tu as voulu nos racheter de notre captivité.
4 Et nous te rendons grâces parce que ce même Fils
reviendra dans la gloire de sa majesté,
pour envoyer au feu éternel les maudits
qui ont refusé de se convertir et de te reconnaître;
et pour dire à tous ceux qui t’auront reconnu,
adoré et servi dans la pénitence:
Venez les bénis de mon Père, recevez le royaume
qui vous a été préparé dès l’origine du monde.
5 Indigents et pécheurs que nous sommes tous,
nous ne sommes pas dignes de te nommer;
accepte donc, nous t’en prions,
que notre Seigneur Jésus-Christ,
ton Fils bien-aimé en qui tu te complais,
avec le Saint-Esprit Paraclet,
te rende grâces lui-même pour tout,
comme il te plaît et comme il lui plaît,
lui qui toujours te suffit en tout,
lui par qui tu as tant fait pour nous. Alléluia !
6 Et sa glorieuse mère, la bienheureuse Vierge Marie, les bienheureux Michel, Gabriel, Raphaël, et tous les chœurs des esprits bienheureux: Séraphins, Chérubins et Trônes, Dominations, Principautés et Puissances, Vertus, Anges et Archanges; le bienheureux Jean Baptiste, Jean l’Evangéliste, Pierre et Paul, et les bienheureux Patriarches, Prophètes, Innocents, Apôtres, Evangélistes, Disciples, Martyrs, Confesseurs, Vierges, les bienheureux Elie et Énoch; et tous les saints qui furent, qui seront et qui sont: pour ton amour nous les supplions humblement de rendre grâces pour tout bien, comme il te plaît, à toi le Dieu souverain, vivant, éternel et vrai, avec ton Fils très cher, notre Seigneur Jésus-Christ, et la Saint-Esprit Paraclet, dans les siècles des siècles. Amen. Alléluia !
7 Tous ceux qui, dans la sainte Eglise catholique et apostolique, veulent servir le Seigneur Dieu; tous les Ordres sacrés: prêtres, diacres, sous-diacres, acolytes, exorcistes, lecteurs, portiers, et tous les clercs, tous les religieux et toutes les religieuses; tous les enfants, garçons et filles; les pauvres et les indigents, les rois et les princes, les travailleurs et les paysans, les serfs et les seigneurs; toutes les femmes: jeunes filles, veuves ou mariées; tous les fidèles laïcs: hommes et femmes, enfants et adolescents, jeunes et vieux, bien portants et malades, petits et grands; tous les peuples, races, tribus et langues; enfin toutes les nations et tous les hommes, partout sur la terre, actuels ou à venir: humblement nous les prions et supplions, nous tous frères mineurs et serviteurs inutiles, de persévérer tous ensemble dans la vraie foi et dans la pénitence, car nul ne peut être sauvé autrement.
8 Aimons tous le Seigneur Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre esprit, de tout notre pouvoir et courage, de toute notre intelligence, de toutes nos forces, de tout notre effort, de toute notre affection, de toutes nos entrailles, de tous nos désirs, de toutes nos volontés. Il nous a donné et nous donne à tous le corps, l’âme et la vie ; il nous a créés et rachetés; il nous sauvera par sa seule miséricorde; malgré nos faiblesses et nos misères, nos corruptions et nos hontes, nos ingratitudes et notre méchanceté, il ne nous a fait et ne nous fait que du bien.
9 N’ayons donc d’autre désir, d’autre volonté, d’autre plaisir et d’autre joie que notre Créateur, Rédempteur et Sauveur, le seul vrai Dieu, qui est le bien plénier, entier, total, vrai et souverain; qui seul est bon, miséricordieux et aimable, suave et doux; qui seul est saint, juste, vrai et droit; qui seul est bienveillant, innocent et pur; de qui, par qui et en qui est tout pardon, toute grâce et toute gloire pour tous les pénitents et les justes sur la terre et pour tous les bienheureux qui se réjouissent avec lui dans le ciel.
10 Désormais donc, plus d’obstacle, plus de barrière, plus d’écran !
11 Partout, en tout lieu, à toute heure et en tout temps, chaque jour et sans discontinuer, tous, croyons d’une foi humble et vraie, gardons dans notre cœur, sachons aimer, honorer, adorer, servir, louer et bénir, glorifier et célébrer, magnifier et remercier le très haut souverain Dieu éternel, trinité et unité, Père, Fils et Saint-Esprit, Créateur de toutes choses, Sauveur de tous ceux qui mettent en lui leur foi, leur espérance et leur amour; lui qui est sans commencement ni fin, immuable, invisible, inénarrable, ineffable, incompréhensible, impénétrable, béni, louable, glorieux et célébré, sublime, élevé, doux, aimable, délectable, et tout désirable plus que tout autre bien dans les siècles. Amen.
24. Conclusion.
1 Au nom du Seigneur je prie tous les frères d’apprendre le texte et le sens de tout ce qui est écrit dans cette règle de vie pour le salut de notre âme, et de se le remettre fréquemment en mémoire.
2 Je prie Dieu, qui est le Tout-Puissant, Trinité et Unité, de bénir lui-même tous ceux qui enseigneront, apprendront, garderont, rappelleront et accompliront tout ce qui est écrit pour notre salut, et cela chaque fois qu’ils en répéteront les paroles ou en accompliront les préceptes.
3 Je prie tous les frères, en leur baisant les pieds, d’aimer beaucoup cette règle, de la garder et de la conserver au fond du cœur.
4 De la part du Dieu tout puissant et du seigneur Pape, par obéissance, moi, frère François, je donne ce commandement strict et cet ordre : de tout ce qui est écrit dans cette règle de vie, que personne n’ôte rien ; à son contenu que personne n’ajoute rien ; et que les frères n’aient pas d’autre règle.
5 Gloire au Père et au Fils et au Saint-Esprit, maintenant comme au commencement et toujours, dans les siècles des siècles. Amen.
Deuxième Règle des Frères Mineurs (Regula bullata)
Deuxième Règle des Frères Mineurs (1223)
1. Prologue.
2. Ceux qui veulent mener cette vie: Leur admission.
3. L’office divin et le jeûne : Manière de voyager par le monde.
4. Défense aux frères de recevoir de l’argent.
5. La manière de travailler.
6. Refus de toute propriété : La quête : Les frères malades.
7. La pénitence à imposer aux frères qui ont péché.
8. L’élection du ministre général : Le chapitre de la Pentecôte.
9. Les prédicateurs.
10. L’admonition et la correction des frères.
11. Défense aux frères d’entrer dans les monastères de femmes.
12. Ceux qui vont chez les Sarrasins et autres infidèles.
Deuxième Règle des Frères Mineurs (1223)
1. Prologue.
1 Au nom du Seigneur. La règle de vie des Frères Mineurs est la suivante : observer le saint Evangile de notre Seigneur Jésus-Christ, en vivant dans l’obéissance, sans avoir rien en propre et dans la chasteté.
2 Le frère François promet obéissance et respect au seigneur Pape Honorius et à ses successeurs canoniquement élus, et à l’Eglise romaine.
3 Les autres frères sont tenus d’obéir au frère François et à ses successeurs.
2. Ceux qui veulent mener cette vie : Leur admission.
1 Ceux qui viendront trouver nos frères avec la volonté de partager leur vie, on les enverra aux ministres provinciaux, qui, seuls et exclusivement, auront le pouvoir d’admettre des frères.
2 Que les ministres les examinent soigneusement sur la foi catholique et sur les sacrements de l’Eglise.
3 Si la foi des postulants est ferme sur ces points ; s’ils sont décidés à confesser cette foi et à la pratiquer avec courage jusqu’à la mort ;
4 s’ils ne sont pas mariés; ou si leur femme est déjà entrée dans un monastère, ou si du moins elle leur a permis, avec l’autorisation de l’évêque diocésain, d’entrer en religion, après avoir fait elle-même vœu de chasteté, et son âge la mettant à l’abri de tout soupçon;
5 alors, que les ministres disent aux candidats la parole du saint Evangile : Qu’ils aillent vendre tout ce qu’ils possèdent et en distribuent aux pauvres le produit.
6 S’ils ne peuvent le faire, la bonne volonté suffira.
7 Les frères et leurs ministres se garderont bien de se mêler de leurs affaires temporelles : ils les laisseront librement disposer de leurs biens comme le Seigneur le leur inspirera.
8 Cependant, s’ils demandent conseil, les ministres pourront les envoyer à quelques personnes craignant Dieu qui les aideront de leurs avis à distribuer leurs biens aux pauvres.
9 Ensuite on leur accordera l’habit de novice : deux tuniques sans capuce, une corde, des braies et un chaperon descendant jusqu’à la ceinture ;
10 à moins que parfois les ministres n’en jugent autrement selon Dieu.
11 Après une année de noviciat, ils seront reçus à l’obéissance, promettant d’observer toujours cette vie et cette règle.
12 Il ne leur sera plus permis dès lors, en aucune façon de quitter notre Ordre, ainsi que l’a prescrit le seigneur Pape :
13 car, selon le saint Evangile, celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas apte au royaume de Dieu.
14 Ceux qui ont déjà promis obéissance auront une tunique avec capuce, et une autre sans capuce s’ils le veulent.
15 En cas de nécessité, on pourra porter des chaussures.
16 Tous les frères porteront des habits grossiers ; ils pourront les doubler de grosse toile ou d’autres morceaux de tissu, avec la bénédiction de Dieu.
17 Mais je les avertis et je les prie de ne pas mépriser et ne pas juger les hommes qu’ils voient se vêtir avec une somptuosité excessive dans les couleurs ou la qualité du tissu, ou témoigner d’une recherche exagérée dans le boire et le manger: que chacun, plutôt, se juge et se méprise lui-même!
3. L’office divin et le jeûne : Manière de voyager par le monde.
1 Les clercs célébreront l’office divin conformément à l’usage de la sainte Eglise de Rome, à l’exception du psautier.
2 Ils pourront donc avoir des bréviaires.
3 Les laïcs diront vingt-quatre Pater pour Matines, cinq pour Laudes ; pour Prime, Tierce, Sexte et None, sept chaque fois ; douze pour Vêpres ; sept pour Complies.
4 Et ils prieront pour les défunts.
5 Ils jeûneront de la Toussaint à Noël.
6 Pour le saint carême qui, commençant à l’Epiphanie, dure quarante jours consécutifs, et que notre Seigneur a consacré par son saint jeûne, que ceux qui veulent bien l’observer soient bénis du Seigneur, et que ceux qui ne veulent pas n’y soient pas astreints.
7 Tous, au contraire, devront jeûner pendant l’autre carême qui dure jusqu’à la Résurrection du Seigneur.
8 Le reste de l’année, les frères ne seront tenus au jeûne que le vendredi.
9 En cas de nécessité évidente, les frères ne seront pas tenus au jeûne corporel.
10 Lorsque mes frères vont par le monde, je leur conseille, je les avertis et je leur recommande en notre Seigneur Jésus-Christ d’éviter les chicanes et les contestations, de ne point juger les autres.
11 Mais qu’ils soient aimables, apaisants, effacés, doux et humbles, déférents et courtois envers tous dans leurs conversations.
12 Ils ne doivent pas aller à cheval, à moins d’y être contraints par une nécessité évidente ou une infirmité.
13 En quelque maison qu’ils entrent, qu’ils disent d’abord : Paix à cette maison !
14 Et, conformément au saint Evangile, qu’il leur soit permis de manger de tout ce qu’on leur présente.
4. Défense aux frères de recevoir de l’argent.
1 Je défends formellement à tous les frères de recevoir en aucune manière des pièces d’or ou de la menue monnaie, soit directement, soit par personne interposée.
2 En ce qui concerne cependant le soin des malades et le vêtement des frères, que les ministres et les custodes, mais eux seuls, y pourvoient avec beaucoup de prévenance, par l’intermédiaire d’amis spirituels; l’appréciation des besoins, compte tenu des lieux, des saisons et des pays froids, est laissée à leur jugement.
3 Reste toujours exceptée, cependant, comme il a été dit, l’acceptation de pièces ou de monnaie.
5. La manière de travailler.
1 Les frères auxquels le Seigneur a fait la grâce de travailler travailleront avec fidélité et dévotion,
2 de telle sorte que, une fois écartée l’oisiveté ennemie de l’âme, ils n’éteignent point en eux l’esprit de prière et de dévotion dont toutes les valeurs temporelles ne doivent être que les servantes.
3 En compensation de leur travail, ils pourront recevoir ce qui est nécessaire à la vie du corps, pour eux et pour leurs frères, à l’exclusion de la monnaie et de l’argent,
4 et cela humblement, comme il convient à des serviteurs de Dieu et à des disciples de la très sainte pauvreté.
6. Refus de toute propriété : La quête: Les frères malades.
1 Les frères ne doivent rien posséder : ni maison, ni terrain, ni quoi que ce soit.
2 Comme des pèlerins et des étrangers en ce monde, servant le Seigneur dans la pauvreté et l’humilité, ils iront quêter leur nourriture avec confiance,
3 sans rougir, car le Seigneur, pour nous, s’est fait pauvre en ce monde.
4 Telle est la grandeur de la très haute pauvreté qui vous a établis, vous mes frères très chers, héritiers et rois du royaume des cieux, vous a faits pauvres en biens terrestres mais richement dotés en vertus.
5 Qu’elle soit votre partage, elle qui conduit dans la terre des vivants.
6 Attachez-vous à elle totalement, frères bien-aimés, et pour le nom de notre Seigneur Jésus-Christ refusez à jamais de posséder rien d’autre sous le ciel.
7 Les frères, où qu’ils soient, où qu’ils se rencontrent, se montreront les uns aux autres qu’ils sont de la même famille.
8 En toute confiance, qu’ils se fassent connaître l’un à l’autre leurs besoins : car si une mère nourrit et chérit son fils selon la chair, avec combien plus d’affection chacun ne doit-il pas aimer et nourrir son frère selon l’esprit !
9 Si l’un des frères tombe malade, les autres frères doivent le servir comme ils voudraient eux-mêmes être servis.
7. La pénitence à imposer aux frères qui ont péché.
1 Si des frères, à l’instigation de l’ennemi, commettent un péché mortel pour l’absolution duquel les frères auront réglé entre eux qu’on aura recours aux seuls ministres provinciaux, les coupables seront tenus de recourir à eux, le plus tôt possible, sans retard.
2 Si les ministres sont prêtres, ils leur imposeront une pénitence, avec miséricorde ; s’ils ne sont pas prêtres, ils la leur feront imposer par des frères de l’Ordre, qui sont prêtres, de la manière qui, devant Dieu, leur paraîtra le plus à propos.
3 Ils prendront bien garde de ne pas se fâcher ni se troubler à cause du péché d’autrui ; car la colère et le trouble sont un obstacle à la charité en soi-même et chez les autres.
8. L’élection du ministre général : Le chapitre de la Pentecôte.
1 Tous les frères sont tenus d’avoir toujours un des frères de leur Ordre comme ministre général et serviteur de toute la fraternité ; ils sont tenus strictement de lui obéir.
2 A son décès, que l’élection de son successeur soit faite par les ministres provinciaux et les custodes au chapitre de la Pentecôte ; à ce chapitre les ministres provinciaux sont toujours tenus de s’assembler, au lieu qu’aura fixé le ministre général ;
3 et cela une fois tous les trois ans, ou plus ou moins souvent, selon ce que réglera le ministre général.
4 Si un jour l’ensemble des ministres provinciaux et custodes jugeait que le ministre général n’est plus apte au service et au bien commun de tous, tous les frères qui ont la charge d’électeurs seraient tenus au nom du Seigneur d’en élire un autre pour ministre.
5 Après le chapitre de la Pentecôte, la même année, les ministres et custodes pourront, chacun dans son territoire, s’ils le veulent et le jugent utile, convoquer une fois leurs frères en chapitre.
9. Les prédicateurs.
1 Les frères ne prêcheront pas sur le territoire d’un évêque si ce dernier s’y oppose.
2 Aucun frère n’aura jamais l’audace de prêcher au peuple sans avoir été examiné et approuvé par le ministre général de la fraternité et sans avoir reçu de lui l’office de prédicateur.
3 J’avertis et j’exhorte ces frères : dans leur prédication, que leurs paroles soient pesées et châtiées pour l’utilité et l’édification du peuple ;
4 ils annonceront les vices et les vertus, la peine et la gloire, et cela en de brefs discours, car le Seigneur a parlé brièvement sur la terre.
10. L’admonition et la correction des frères.
1 Les frères qui sont ministres et serviteurs des autres frères visiteront leurs frères, les avertiront, les corrigeront avec humilité et charité, sans leur prescrire jamais rien qui soit contre leur âme et contre notre règle.
2 Quant aux frères qui sont sujets, ils se rappelleront que, pour Dieu, ils ont renoncé à leur volonté propre.
3 Je leur prescris donc avec force d’obéir à leurs ministres en tout ce qu’ils ont promis au Seigneur d’observer et qui n’est pas contraire à leur âme et à notre règle.
4 Et, en quelque endroit que soient les frères, s’il en est qui constatent et reconnaissent ne pouvoir observer spirituellement la règle, ils devront et ils pourront recourir à leurs ministres.
5 Les ministres alors les recevront avec amour et bonté, ils leur témoigneront tant de cordiale affection, qu’ils les laisseront parler et agir comme des maîtres avec leurs serviteurs ;
6 car il doit en être ainsi : les ministres sont les serviteurs de tous les frères.
7 J’avertis les frères et je les exhorte dans le Seigneur Jésus-Christ, qu’ils aient à se garder de tout orgueil, vaine gloire, envie, avarice, soucis et tracas de ce monde, médisance et mauvais esprit, et que ceux qui ignorent les lettres ne se mettent point en peine de les apprendre.
8 Mais qu’ils considèrent qu’ils doivent par-dessus tout souhaiter d’avoir l’Esprit du Seigneur et de le laisser agir en eux ;
9 de le prier toujours d’un cœur pur ; de posséder l’humilité, la patience dans la persécution ou dans la maladie ;
10 d’aimer ceux qui nous persécutent, nous reprennent et nous contredisent ; car le Seigneur dit : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent et vous calomnient.
11 Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, car le royaume des cieux leur appartient.
12 Celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé.
11. Défense aux frères d’entrer dans les monastères de femmes.
1 Je défends formellement à tous les frères d’avoir avec les femmes aucune fréquentation ni familiarité suspectes.
2 ils n’entreront pas dans les monastères de moniales, sauf avec permission spéciale du Siège apostolique.
3 Ils ne seront parrains ni d’hommes ni de femmes, de peur qu’à cette occasion ne naisse quelque scandale parmi les frères ou au sujet des frères.
12. Ceux qui vont chez les Sarrasins et autres infidèles.
1 Les frères qui, sous l’inspiration de Dieu, voudront aller chez les Sarrasins et autres infidèles en demanderont la permission à leur ministre provincial.
2 Les ministres, eux, ne le permettront qu’à ceux qu’ils jugeront capables de cette mission.
3 Enfin, au nom de l’obéissance, j’enjoins aux ministres de demander au seigneur Pape un des cardinaux de la sainte Eglise romaine comme gouverneur, protecteur et correcteur de cette fraternité ;
4 afin que, demeurant toujours soumis à cette même Eglise et prosternés à ses pieds, stables dans la foi catholique, nous observions la pauvreté, l’humilité et le saint Evangile de notre Seigneur Jésus-Christ, comme nous l’avons fermement promis.
Règle pour les ermitages
Règle pour les ermitages
1 Les frères qui veulent mener la vie évangélique en fraternité dans les ermitages y habiteront à trois, ou quatre au plus. Deux seront les « mères » ; ils auront donc deux « fils », ou un au moins.
2 Les mères tiendront le rôle de Marthe, et les deux fils celui de Marie ; ils auront un enclos à l’intérieur duquel chacun aura sa cellule pour y prier et pour dormir.
3 Ils diront toujours Complies aussitôt après le coucher du soleil ; ils observeront soigneusement le silence ; ils réciteront leurs Heures, et pour Matines se lèveront. Ils chercheront d’abord le royaume de Dieu et sa justice.
4 A l’heure convenue ils diront Prime ; après Tierce ils rompront le silence et pourront aller trouver leurs mères et leur parler.
5 Lorsqu’ils le voudront, ils pourront quêter leur nourriture auprès de leur mère pour l’amour du Seigneur Dieu, comme de petits pauvres.
6 Puis, aux heures convenues, ils diront Sexte, None et Vêpres.
7 Dans l’enclos où ils demeurent on ne laissera entrer personne ; on n’y mangera pas non plus.
8 Les frères qui sont les « mères » fuiront soigneusement tout rapport avec l’extérieur ; conformément aux ordres de leur ministre, ils protégeront leurs fils de tout contact, pour que personne ne puisse leur parler.
9 Les fils ne parleront à personne, sauf à leur mère, et à leur ministre ou à leur custode quand ceux-ci viendront les visiter avec la bénédiction du Seigneur Dieu.
10 Les fils prendront de temps en temps le rôle de mères, suivant le tour qu’ils auront jugé bon de régler entre eux. Ils mettront tout leur soin et toute leur application à observer tout ce qui vient d’être dit.
Testament de Sienne
Testament de Sienne
1 Ecris que je bénis tous mes frères, ceux qui sont actuellement dans notre Ordre et ceux qui, jusqu’à la fin du monde, y viendront.
2 Je suis trop faible et j’ai trop mal pour parler ; brièvement je veux déclarer ma volonté en trois mots que voici :
3 Que toujours ils s’aiment les uns les autres en souvenir de ma bénédiction et de mon testament ;
4 Que toujours ils aiment et honorent notre Dame la sainte Pauvreté ;
5 Que toujours ils se montrent fidèles et soumis aux prélats et à tous les clercs de notre sainte Mère l’Eglise.
Testament
Testament de Saint François (1226)
1 Voici comment le Seigneur me donna, à moi frère François, la grâce de commencer à faire pénitence. Au temps où j’étais encore dans les péchés, la vue des lépreux m’était insupportable.
2 Mais le Seigneur lui-même me conduisit parmi eux ; je les soignai de tout mon cœur ;
3 et au retour, ce qui m’avait semblé si amer s’était changé pour moi en douceur pour l’esprit et pour le corps. Ensuite j’attendis peu, et je dis adieu au monde.
4 Et le Seigneur me donna une grande foi aux églises, foi que j’exprimais par la formule de prière toute simple :
5 Nous t’adorons, Seigneur Jésus-Christ, dans toutes tes églises du monde entier, et nous te bénissons d’avoir racheté le monde par ta sainte Croix.
6 Ensuite, le Seigneur m’a donné et me donne encore, à cause de leur caractère sacerdotal, une si grande foi aux prêtres qui vivent selon la règle de la sainte église romaine, que, même s’ils me persécutaient, c’est à eux malgré tout que je veux avoir recours.
7 Si j’avais autant de sagesse que Salomon, et s’il m’arrivait de rencontrer de pauvres petits prêtres vivant dans le péché, je ne veux pas prêcher dans leurs paroisses s’ils m’en refusent l’autorisation.
8 Eux et tous les autres, je veux les respecter, les aimer et les honorer comme mes seigneurs.
9 Je ne veux pas considérer en eux le péché ; car c’est le Fils de Dieu que je discerne en eux, et ils sont réellement mes seigneurs.
10 Si je fais cela, c’est parce que, du très haut Fils de Dieu, je ne vois rien de sensible en ce monde, si ce n’est son Corps et son Sang très saints, que les prêtres reçoivent et dont ils sont les seuls ministres.
11 Je veux que ce très saint sacrement soit par-dessus tout honoré, vénéré, et conservé en des endroits précieusement ornés.
12 Et les très saints noms du Seigneur, et les manuscrits contenant ses paroles, chaque fois que je les trouverai abandonnés où ils ne doivent pas être, je veux les recueillir, et je prie qu’on les recueille, pour les placer en un lieu plus digne.
13 Tous les théologiens, et ceux qui nous communiquent les très saintes paroles de Dieu, nous devons les honorer et les vénérer comme étant ceux qui nous communiquent l’Esprit et la Vie.
14 Après que le Seigneur m’eut donné des frères, personne ne me montra ce que je devais faire, mais le Très-Haut lui-même me révéla que je devais vivre selon le saint Evangile.
15 Alors je fis rédiger un texte en peu de mots bien simples, et le seigneur Pape me l’approuva.
16 Ceux qui venaient à nous pour partager cette vie distribuaient aux pauvres tout ce qu’ils pouvaient avoir ; pour vêtement ils se contentaient d’une seule tunique, doublée de pièces à volonté au dedans et au dehors, plus une corde et des braies.
17 Et nous ne voulions rien de plus.
18 Nous célébrions l’office : les clercs, comme les autres clercs, les laïcs en récitant le Notre Père. Et nous passions très volontiers de longs moments dans les églises.
19 Nous étions des gens simples, et nous nous mettions à la disposition de tout le monde.
20 Moi, je travaillais de mes mains, et je veux travailler ; et tous les frères, je veux fermement qu’ils s’emploient à un travail honnête.
21 Ceux qui ne savent point travailler, qu’ils apprennent, non pour le cupide désir d’en recevoir salaire, mais pour le bon exemple et pour chasser l’oisiveté.
22 Lorsqu’on ne nous aura pas donné le prix de notre travail, recourons à la table du Seigneur en quêtant notre nourriture de porte en porte.
23 Pour saluer, le Seigneur m’a révélé que nous devions dire : Que le Seigneur vous donne sa paix !
24 Les frères se garderont bien de recevoir, sous aucun prétexte, ni églises, ni masures, ni tout ce qu’on pourrait construire à leur intention, sauf s’ils ne font qu’y séjourner comme des hôtes de passage, des pèlerins et des étrangers, conformément à la sainte pauvreté que nous avons promise dans la Règle.
25 Je défends formellement, au nom de l’obéissance, à tous les frères, où qu’ils soient, d’oser jamais solliciter de la cour de Rome, ni par eux-mêmes ni par personne interposée, aucun privilège sous aucun prétexte ; pour une église ou pour une résidence, pour assurer une prédication ou pour se protéger contre une persécution.
26 Si dans une contrée on ne les reçoit pas, eh bien ! Qu’ils fuient dans une autre pour y faire pénitence avec la bénédiction de Dieu.
27 Je veux fermement obéir au ministre général de cette fraternité et à tout gardien qu’il lui plaira de me donner.
28 Je veux être tellement lié entre ses mains, que je ne puisse faire un pas ni la moindre action en marge de ses ordres et de sa volonté, car il est mon seigneur.
29 Bien que je sois un homme simple et un malade, je veux cependant avoir toujours un clerc qui me célèbre l’office, comme il est marqué dans la Règle.
30 Que tous les autres frères soient tenus d’obéir ainsi à leur gardien et de célébrer l’office selon la Règle.
31 S’il s’en trouvait qui ne célèbrent pas l’office selon la Règle et veuillent y opérer des changements, ou qui ne soient pas catholiques, alors tous les frères, où qu’ils soient, seront tenus par obéissance, partout où ils rencontreront l’un de ceux-là, de l’adresser au custode le plus proche du lieu où ils l’auront rencontré.
32 Le custode sera rigoureusement tenu, en vertu de l’obéissance, de le garder comme un prisonnier, jour et nuit, sans le laisser échapper de ses mains jusqu’au moment où il pourra le présenter en personne à son ministre.
33 Le ministre, à son tour, sera rigoureusement obligé, en vertu de l’obéissance, de le faire accompagner par des frères comme un prisonnier, jour et nuit, jusqu’au moment où on le déférera au cardinal d’Ostie, qui est maître, protecteur et correcteur de toute la fraternité.
34 Que les frères n’aillent point dire : Voilà une nouvelle Règle ! Non : c’est un retour sur notre passé, une admonition, une exhortation, et c’est le testament que moi, votre petit frère François, je vous adresse, à vous mes frères bénis, afin que nous observions plus catholiquement la Règle que nous avons promis au Seigneur de garder.
35 Le ministre général, les autres ministres et les custodes sont tenus, par obéissance, de ne rien ajouter ni retrancher à ces paroles.
36 Qu’ils aient toujours avec eux ce texte joint à la Règle.
37 Dans tous les chapitres qu’ils tiennent, qu’ils fassent lire aussi ce texte après la lecture de la Règle.
38 A tous mes frères clercs et laïcs je prescris fermement, en vertu de l’obéissance, de ne faire de gloses ni sur la Règle ni sur ces paroles en disant : Voici comment il faut les comprendre !
39 Non : de même que le Seigneur m’a donné de dire et d’écrire la Règle et ces paroles purement et simplement, de même vous aussi, simplement et sans glose, vous devez jusqu’à votre dernier jour les comprendre et les mettre en pratique par de saintes actions.
40 Quiconque observera ces choses, qu’il soit béni dans le ciel de la bénédiction de Père très haut, qu’il soit rempli sur la terre de la bénédiction de son Fils bien-aimé, avec celle du très saint Esprit Paraclet, de toutes les Vertus des cieux et de tous les saints.
41 Et moi, frère François, votre petit pauvre et serviteur, dans toute la mesure dont j’en suis capable, je vous confirme, au dedans et au dehors, cette très sainte bénédiction.